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Le chef brésilien Alex Atala, rocker des fourneaux à Sao Paulo

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Consacré comme l’un des dix plus grands cuisiniers du monde, Alex Atala, chef du restaurant D.O.M. de Sao Paulo, a des allures de rock star, rebelle et volontiers provocateur.  Il vient de créer un institut dont l’objectif est de repenser la relation entre l’humain et les aliments...

Alex Atala (à droite) entouré des ses apprentis cuisiniers. ©Thomas Diego Badia

Alex Atala (à droite) entouré des ses apprentis cuisiniers. ©Thomas Diego Badia

Entouré de ses jeunes cuisiniers, Alex Atala montre minutieusement comment décortiquer un thon, fraîchement arrivé de Belém, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Les apprentis, yeux grands ouverts, scrutent chacun de ses gestes. Une fois le poisson de près de 60 kilos lavé et envoyé en chambre froide, le chef s’accorde une courte pause. « C’est fondamental de transmettre aux jeunes générations », souffle-t-il.

Affable, Alex Atala reçoit dans son restaurant comme à la maison. Barbe rousse fournie, cheveux blancs, tatouages saillants, le chef a des allures de rock star brésilienne, rebelle et volontiers provocateur. A 45 ans, l’homme est l'une des étoiles de la gastronomie mondiale. Son restaurant à Sao Paulo, le D.O.M. –Deus Optimus Maximus, « Dieu le plus grand et le meilleur » -  est classé parmi les dix premiers mondiaux depuis quatre ans.

Alex Atala dans la cuisine du D.O.M ©Thomas Diego Badia

Alex Atala dans la cuisine du D.O.M ©Thomas Diego Badia

Une récompense prestigieuse pour celui que rien ne prédestinait à la cuisine, sorti de l’école à 14 ans pour découvrir la grande ville, s’essayer aux platines de DJ, adopter le style punk et goûter aux drogues. Milad Alexandre Mack Atala, descendant d’immigrés palestiniens,  a grandi à Sao Bernardo dos Campos, dans le sud-est de l’Etat de Sao Paulo.  A l’occasion d’un long périple, sac à dos, sur le vieux continent, il se retrouve derrière les fourneaux.  Le jeune homme a tout juste 20 ans, les poches vides et un visa belge qui va expirer.  Un ami lui conseille de suivre une formation en gastronomie pour pouvoir rester en Europe. Il se découvre une passion, qui le mène en ensuite en France et en Italie.

De retour au Brésil à 25 ans, il travaille à Sao Paulo dans un restaurant japonais avant de se voir proposer la refonte du menu du Filomena, qui lui vaut d’être élu meilleur jeune chef par l’Association brésilienne des bars et restaurants. En 1999, Alex Atala ouvre le Namesa, son première affaire. Quelques mois plus tard, le D.O.M. sort de terre dans un des beaux quartiers de la capitale économique du Brésil. En à peine trois ans, il engrange les distinctions des magazines nationaux, avant d’être consacré, en 2006, par la revue britannique Restaurant qui l’inclue dans son classement des 50 plus grands restaurants mondiaux. Il ne le quittera plus.

Alex Atala dans son restaurant. Il prend parfois lui-même les réservations. ©Thomas Diego Badia

Alex Atala dans son restaurant. Il prend parfois lui-même les réservations. ©Thomas Diego Badia

L’Amazonie, paradis culinaire

Sa notoriété, Alex Atala la doit à l’Amazonie, cette « nouvelle frontière des saveurs » où il puise son inspiration. La région est devenue son territoire de prédilection, dans sa quête continuelle de goûts différents, « un univers à part entière avec une richesse de produits quasi infinie ». Car Atala est un explorateur. Il peut passer des jours et des jours dans la forêt, à la recherche d’un ingrédient inconnu, à partir duquel il créera un plat inédit. « L’Amazonie représente 47% du Brésil, il est donc normal qu’elle occupe au moins 47% de mes recherches culinaires » aime-t-il rappeler.  « Le mot biodiversité, quand il sort de la bouche, ne veut rien dire. C’est quand il y rentre qu’il prend toute sa valeur ».

Le chef prépare le service du soir. ©Thomas Diego Badia

Le chef prépare le service du soir. ©Thomas Diego Badia

Au menu de son restaurant, il a introduit des insectes comme la saùva, une grosse fourmi d’Amazonie servie sur un morceau d’ananas. Un met en forme d’aventure culinaire au goût de citronnelle. Atala est un alchimiste qui peut travailler des mois pour élaborer la saveur désirée. Ce fut le cas avec le tucupi, jus jaune extrait de la racine de manioc traditionnel d’Amazonie, qu’il a popularisé dans le sud du Brésil, ou la priprioca, une herbe auparavant utilisée dans l’industrie cosmétique, qu’il est le premier à cuisiner. Ou encore des boissons à base de yucca, ces herbes aux feuilles dures en forme d’épée.

Un cuisinier engagé

Consacré comme l’un des plus grands cuisiniers du monde, Alex Atala s’est lancé depuis trois ans dans une nouvelle aventure : l’institut ATA dont l’objectif est de repenser la relation entre l’Homme et les aliments. « Loin devant Facebook, la nourriture est le plus grand réseau social de la planète, c’est l’aliment qui nous connecte au quotidien avec la nature » assure le chef, qui croit en le pouvoir de transformation sociale de la cuisine. Ainsi, il s’applique à défendre les ingrédients régionaux, pour préserver la nature comme le petit producteur. « Le fait de connaître le chemin emprunté par les aliments pour arriver dans notre assiette provoque déjà un changement, une prise de conscience dans la société ».

Le chef en cuisine ©Thomas Diego Badia

Le chef en cuisine ©Thomas Diego Badia

Son autre credo : sauver les savoirs traditionnels qui se perdent, « les recettes des arrières grand-mères », cette cuisine du quotidien trop longtemps occultée par les Brésiliens, qui avient privilégié la gastronomie européenne, plus « noble ». Atala se revendique de ce patrimoine oublié, de cet héritage qu’il faut respecter et sauvegarder, face à des lois nationales qui « visent non pas la diversité, mais la pasteurisation ».

Des jeunes cuisiniers en action ©Thomas Diego Badia

Des jeunes cuisiniers en action ©Thomas Diego Badia

La suite pour ce pionnier de la haute gastronomie brésilienne? « J’ai préparé le terrain. Aujourd’hui, ce n’est plus le moment d’Alex Atala, c’est celui des jeunes chefs ». Lui poursuivra son but : « toujours mieux connaître les racines du Brésil ».

Thomas Diego Badia, à Sao Paulo (Monde Académie)

 


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